Pimpin, la mascotte de l’école de Bonneval-Guyon, est mort
Le lapin avait 4 ans.
Fait divers. C’est en ouvrant la porte de sa classe jeudi dernier qu’Emilie Fossier a tout de suite compris ce qui s’était passé : « Quand je me suis approchée de sa cage, j’ai vu qu’il avait les quatre pattes en l’air et que son corps était tout raide. J’ai tout de suite compris qu’il était mort. » Ce sens aigu de l’observation et cette perspicacité s’expliquent simplement : Emilie fait partie du groupe académique de réflexion sur les sciences à l’école.
Cette enseignante expérimentée, bien notée par sa hiérarchie et fort appréciée des parents d’élèves, a tout de suite su exploiter pédagogiquement cet événement : « J’ai beaucoup d’expérience, et je sais trouver la bonne posture pour faire de chaque événement de la classe une situation d’apprentissage. Alors j’ai mis en place une démarche hypothético-déductive. J’ai demandé aux enfants pourquoi Pinpin avait les quatre pattes en l’air. J’ai écrit sur une affiche les propositions des élèves, sans jamais donner mon avis. »
Les enfants de Petite Section ont alors imaginé les propositions les plus fantasques : Il fait dodo. Il fait des farces. Il est aussi raide que le ministre de l’Education nationale quand il danse. A aucun moment, la maîtresse n’a expliqué que le lapin était mort : « C’est normal. Je suis maitre-formatrice, donc je maîtrise parfaitement les gestes professionnels de l’enseignant. Dans ce cas précis, il ne faut pas donner la solution. Je suis vraiment dans une démarche expérimentale. Une jeune enseignante annoncerait la mort de Pinpin. Moi non. »
Au bout de deux jours, certains élèves ont remarqué une forte odeur dans la classe :
« Le petit Timéo a avancé l’idée que Pinpin était mort. J’étais vraiment contente car je sentais que ma démarche pédagogique était la bonne. Mais je n’ai pas validé la réponse pour autant : nous nous sommes réunis sur les bancs du coin regroupement, puis nous avons cherché comment vérifier cette proposition. Kelly a proposé de l’ouvrir avec des ciseaux pour voir si son cœur battait encore ». La maîtresse sait heureusement où sont les limites de l’enseignement des sciences en maternelle :
« Nous ne pouvions décemment pas ouvrir le corps du petit lapin. Mes élèves sont trop petits. Mais en tant que maitre-Formatrice, je tiens beaucoup au travail entre cycles. C’est ce que j’ai expliqué au jury d’entretien pour devenir Conseillère Pédagogique. Pour moi c’est primordial de donner corps aux progressions et programmations en lien avec le projet d’école. J’ai donc proposé au maître des CM2 de faire découper Pinpin par ses élèves ».
Une belle initiative pédagogique qui a pourtant fait grincer quelques dents du côté des familles : « Certains parents se sont plaints de cette activité. C’est étonnant. L’enseignant de CM2 m’assure pourtant que les taches de sang sont seulement allés sur les tabliers et sur les visages des élèves et pas sur leurs habits. Je ne comprends pas. »
Une légère colère qui s’est vite apaisée : « Mon mémoire de formatrice d’enseignants portait sur la coparentalité. Pour moi, c’est très important de créer un lien de confiance avec les familles. Alors j’ai invité tous les parents de l’école à l’enterrement de Pinpin. Enfin ce qu’il en restait. J’ai demandé à Coralie, la directrice du périscolaire, de faire intervenir l’association des Mamies bricoleuses pour construire un cercueil dans une boîte à chaussures. Le lien entre l’école et le territoire, c’est très important aussi. J’y tiens beaucoup. »
Partenariat local, co-éducation, méthode pédagogique expérientielle, Emilie Fossier est une enseignante du XXIème siècle. Ses élèves ont beaucoup de chance de l’avoir comme maîtresse :
« Et bien qu’ils en profitent. Parce que si avec tout ça, je ne suis pas inspectrice l’année prochaine, je déterre le lapin et je leur fais bouffer avec des pruneaux. »
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