
Ces petits riens de ta journée de prof qui te feront craquer avant la fin du mois de juin
Mon année d’enseignant se termine. Je suis au bout de ma vie de prof, et je sens que ma patience est aussi fragile qu’une feuille de papier crépon. Un rien m’énerve…
Ça m’énerve, alors que je l’ai dit toute l’année, de voir un élève plier sa feuille en deux sans vérifier au préalable que les coins inférieurs et supérieurs se superposent correctement, ce qui provoque immanquablement un dépassement quand ladite feuille est collée dans le cahier.
Ça m’énerve, au moment de présenter aux parents notre spectacle de fin d’année, que le papa de Louis me marche sur le pied gauche en entrant dans le hall de l’école sans même dire bonjour, et qu’il me marche sur le pied droit en partant sans même dire merci.
Ça m’énerve de ne pas pouvoir imprimer le livret scolaire de Younès parce qu’il n’y a pas le petit cadenas à côté du fichier, ce qui signifie que le fichier n’est pas verrouillé, à cause d’un parcours citoyen-je-sais-pas-quoi qui n’est pas validé. Pourquoi tu ne veux pas faire apparaître le petit cadenas ? Tu veux une clé ? Tu crois que ma vie c’est Fort Boyard et que j’attends une énigme du Père Fouras ?
Ça m’énerve quand ma collègue te sort à chaque récré : « C’est toi qui a Hugo l’année prochaine ? Ah ben tu verras tu vas t’amuser. Ah ben tu verras il comprend rien et puis en plus il répond. Ah ben tu verras je te souhaite bien du courage parce que c’est pas un cadeau. » Et toi, tu crois que t’es un cadeau dans l’équipe, avec tes « Comme un Lundi » de début de semaine et tes chemisiers aussi moches et tristes qu’une couverture d’un magazine de la MGEN ?
Ça m’énerve quand je ne peux même plus utiliser mon TBI dans la classe tellement il fait chaud. En début de matinée, ça fonctionne, et puis très vite le vidéoprojecteur il devient tout chaud. Un peu comme moi quand je m’énerve.Ça m’énerve quand Nathan quitte l’école avant la fin de l’année sans prévenir et sans dire au revoir. « Mais je suis quoi pour toi Nathan ? Je t’ai eu deux ans en classe. Je te connais pas coeur. Je sais à la manière dont tu ouvres ton cartable le matin si tu es de bonne humeur ou pas. Je peux savoir rien qu’en te regardant dans les yeux si tu as compris l’exercice. Je connais par coeur tes passions, je devine toutes tes réactions et toi tu t’en vas, comme ça, sans dire un mot ? » L’enfant, cet être ingrat.
Ça m’énerve quand je vois mes collègues valider leur commande de matériel pour l’année prochaine, prendre la parole au conseil d’école pour expliquer leurs projets de l’année prochaine alors que moi je n’ai toujours pas de poste.
Ça m’énerve parce que les journées de classe sont tellement longues qu’à 11:28, il n’est que 9:12.
Ça m’énerve quand au repas de fin d’année tout le monde parle des élèves, de leurs progrès et de leurs difficultés. « Ok les gars, on fait un conseil de cycle, d’accord mais la facture de mon menu à 30€ avec un kir et un 1/4 de vin, vous l’adressez directement à la coopé de l’école ? »
Ça m’énerve parce que j’ai envie d’être en vacances, mais je vais quand même avoir une grosse boule dans le ventre vendredi soir quand les loulous vont partir. Ce métier, ça souffle le chaud, ça souffle le froid. C’est un métier où je m’énerve, mais c’est mon métier, et je le kiffe. Alors m’énerve pas OK ?