Le vieux qui discute avec la caissière. J’aime pas les gens au supermarché
Boualem au supermarché.
Je suis papa solo. Avant et après le travail, je cours partout pour emmener Yanis au collège ou au sport et une fois à la maison, je passe encore plus de temps à l’envoyer sous la douche. Être papa d’un adolescent, c’est presque un métier à temps plein. Alors quand je vais faire les courses, je n’ai pas une minute à perdre. Et le problème au supermarché, c’est qu’il y a des gens. J’aime pas les gens au supermarché.
J’aime pas l’abruti qui pique ma place de parking alors que j’attendais patiemment en ayant pris soin de mettre mon clignotant. Tu vas voir connard : j’ai la réputation d’être quelqu’un de très calme, une crème, doux comme un agneau, aussi gentille qu’Hélène dans Hélène et les garçons. Mais si tu piques ma place, la gentille Hélène, elle va balancer sa guitare et se transformer en un autre personnage de série beaucoup moins sympathique. Tu connais Dexter ?
J’aime pas le SDF qui mendie devant les portes du supermarché. Ne me fais pas croire, à moi, que tu ne trouves pas de travail. Du boulot y’en a partout et au pire, fais contractuel à l’Education nationale. Ils sont tellement en dèche de personnel qu’en ce moment, même un chien avec un chapeau, ils l’embauchent.
J’aime pas le vigile qui me suit partout dans les rayons. Pourquoi il me suit moi, et pas la vieille juste à côté avec son sac à main grand ouvert ? Le vigile, tellement il me colle, j’ai l’impression que c’est mon garde du corps.
J’aime pas le type du rayon traiteur. A chaque fois, il en rajoute. L’autre jour, je lui demande 300 grammes de hachis, il m’en met 400 et comme à son habitude, il ajoute :
« Y’a un peu plus, je laisse ? »
Bah non, tu laisses pas et tu m’enlèves ça vite fait. Tu m’as pris pour qui ? Tu crois que je suis un touriste à qui tu peux la mettre à l’envers ? Arnaquer les vacanciers, d’accord, mais fais ça dans une jolie ville où il y a des touristes toute l’année. Je te rappelle, sombre gringalet boutonneux, que nous habitons à Charleville-Mézières.
J’aime pas Eric. Lui, c’est un ancien pote du lycée. Je le croise toujours à Lidl et à chaque fois, il me raconte ses problèmes, son divorce, son toit qui fuit et son hallux valgus. C’est d’ailleurs grâce à lui que j’ai découvert qu’on disait hallux valgus et non pas anus valgus, ce qui bouleverse clairement ma représentation anatomique du symptôme. Eric, comment te le dire ? Tes problèmes, je m’en fous. Je suis venu là pour acheter des pâtes, je suis pas venu là pour souffrir ok ?
J’aime pas ce groupe de personnes qui discutent en plein milieu de l’allée centrale. Vous avez cru que Lidl, c’était à votre mère ? Ne vous gênez pas : faites comme chez vous et mettez vous bien. Tant que vous y êtes, allez chercher des chipos au rayon charcuterie, un barbecue électrique en promo à côté du rayon jardinage et passez prendre une ou deux bouteilles de blanc. Vous voulez que je vous amène des pistaches aussi ?
J’aime pas le vieux en béret à la caisse devant moi qui met deux heures à poser son camembert sur le tapis. T’es en retraite mon gars, viens faire tes courses le matin, à une heure où t’emmerderas personne. Franchement, quand je serai en retraite, c’est ce que je ferai. Si toutefois je pars en retraite un jour.
J’aime pas cette meuf qui passe à côté de moi alors qu’elle s’apprêtait à payer ses courses à la caissière.
« Pardon, pardon, excusez-moi ».
Je déteste les gens qui oublient un produit en magasin et qui retournent le chercher, oubliant ainsi toute bienséance et règle élémentaire de politesse. Tout ça pour repasser à côté de moi 5 minutes après…
« Pardon, pardon, excusez-moi »
… avec dans les mains un chou kale pour préparer une « recette trop bien que j’ai vu sur Insta. Mais typiquement le plat que t’as envie de manger entre amis. Mais ouais, mais carrément, super idée ! Viens manger avec Christophe samedi soir, je ferai mon curry au chou kale. Je te fais des bisous ma belle. »
Et au final, le chou kale, il moisira au fond du bac à légumes du frigo. Et cette meuf, elle fera comme toi et moi. Samedi midi, on a tous la flemme d’aller au supermarché alors on reçoit nos potes avec une pauvre raclette. Parce que comme moi, tu n’aimes pas faire les courses, tu n’aimes pas les supermarchés et surtout, tu n’aimes pas les gens dans les supermarchés.
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