Sans Iprof ni Magistère, les profs vivent leur meilleure vie avec la pause numérique
Un mouvement qui prend de l’ampleur.
En cette rentrée, 180 collèges en France expérimentent la “pause numérique” avant une possible généralisation en janvier 2025. Le principe : l’interdiction des téléphones portables dans l’établissement. Moins médiatisée, cette pause numérique est également expérimentée par de nombreux enseignants, avec une forme légèrement différente.
“Pendant un an, on ne se connecte pas à notre messagerie professionnelle, ni à I-prof (une autre messagerie de l’Education nationale, mais encore pire NDLR), ni aux webinaires, rien du tout” témoigne Sarah M. prof des écoles, qui participe à ce mouvement. Une expérimentation qui n’est pas à l’initiative du ministère de l’Education nationale. Elle est apparue sur les réseaux sociaux et remporte un vif succès depuis le début du mois de septembre. “C’est parce que la pause numérique des profs permet de mettre en lumière deux points importants, analyse Kader B., professeur d’anglais. Premier point, c’est que l’excès d’information empêche les enseignants de se concentrer pleinement sur leurs élèves. Second point, ces informations que l’on reçoit chaque jour par mail, globalement, on s’en fout.”
Cette pause numérique des profs existe depuis très longtemps, et sous d’autres formes. “Ce n’est pas vraiment la même démarche, précise Sarah. C’est juste que très souvent, les enseignants sont obligés de faire une pause numérique même s’ils veulent se connecter. C’est parce qu’à l’Education nationale, les services en ligne fonctionnent une fois sur 4.”
Un mouvement de contestation qui fait grincer des dents. “Chaque jeudi, j’envoie par mail aux enseignants de ma circonscription des ressources pédagogiques, témoigne Anne-Carole Figé, conseillère pédagogique dans une circonscription alsacienne. Je passe une journée à les sélectionner. Je regrette vraiment que mes collègues refusent de les télécharger.” Force est de constater que cette pause numérique risque de nuire à la qualité de l’enseignement. En effet, elle prive de facto les professeurs de nombreuses ressources théoriques nécessaires à l’exercice de leur métier. Heureusement, ce n’était pas le cas dans le document sélectionné ce jour par Anne-Carole Figé puisqu’il s’agissait d’une interview de Stanislas Dehaene.
Dans quelques jours, des centaines de milliers d’enseignants auront à se connecter au portail de saisie des évaluations nationales. Est-ce que le mouvement de la pause numérique des profs aura une incidence sur cette saisie ? “Pas de mon côté, nous explique Sarah. Je suis sérieuse, et je cesserai cette pause numérique le temps d’enregistrer les résultats de mes élèves.” Une conscience professionnelle qui fait honneur à cette belle profession, même si, en off, la prof des écoles nous glisse à l’oreille : “J’ai juste dit à mon inspectrice que je commencerai la saisie le jour où l’Education nationale me paiera un ordinateur portable. Je suis encore tranquille quelques années…”
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