Prof, ton inspecteur est un menteur

Ton inspecteur est capable de dire tout, puis son contraire.

Tu es prof et régulièrement, tu dois te taper les poncifs de ton inspecteur. Mais as-tu remarqué combien son discours change en fonction des ministres, des circulaires ou du calendrier lunaire. A croire que ton inspecteur n’aurait pas une expérience suffisamment ancrée sur laquelle appuyer un discours, et qu’il changerait d’avis comme de réforme ? Nous ne pouvons le croire.
Voici pourtant quelques exemples qui prouvent que ton inspecteur est un menteur.

Avant : On mettait une note sur 20. Par exemple : 10 sur 20.
Maintenant : On met une lettre, ou un score de réussite. Par exemple : 50%.
Ton inspecteur : Donc on est d’accord. Je ne veux plus voir de notes sur 20.
– Oui mais, sauf tout le respect que je dois à votre grandeur, Monsieur l’inspecteur, 50%, c’est pareil que 10 sur 20 ?
– Non. Le premier, c’est une note, le second c’est un nombre avec à côté, un cercle en haut, un cercle en bas, et une barre au milieu, donc rien à voir.


Avant : En CP, les élèves faisaient nimp. Ils apprenaient à lire avec des méthodes scandaleuses, genre des albums de littérature jeunesse.
Maintenant : En REP, on dédouble les classes de CP et de CE1. Moins d’élèves, ce sont de meilleures conditions pour les apprentissages.
– Bon OK Madame l’inspectrice. C’est bien beau, mais ma collègue a 9 élèves en CP, alors que moi, j’en ai 29 en CE2.
– Vous avez raison. D’ailleurs, nous allons remédier à cette absence d’équité.
– Merci ma Reine.
– Dès la rentrée prochaine, après le vote du nouveau budget, vous aurez toutes les deux 29 élèves dans vos classes. Que l’on fasse venir mon carrosse, je rentre au palais !


Avant : Il y avait 8 classes dans l’école. 
Maintenant : Il n’y en a plus que 6, suppressions de postes obligent. Prof, tu as une classe à deux niveaux. Tu cours partout, tu commences des trucs que tu ne termines pas, ta journée de classe est un puzzle dont tu ne parviens pas à assembler les morceaux. Et puis de toute façon, tu détestes les puzzles.
Ton inspectrice : Oui mais une classe double niveau, c’est l’occasion rêvée de transmettre des savoirs. Chaque élève y est plus autonome, profite des enseignements du cours supérieur et en ressort grandi, transformé.
– Ok, mais moi en attendant, je suis crevée.
– Oui mais vous, on s’en fout, car ce qui compte, c’est… l’intérêt des élèves.

Avant : un(e) enseignant(e) spécialisé(e), spécialiste de son sujet, venait apprendre une langue étrangère aux élèves.
Maintenant : les postes d’enseignant(e)s spécialisé(e)s dans une langue étrangère ont été supprimés.
L’inspecteur : Oui bah de toute façon, y’a pas besoin de maîtriser une langue étrangère pour l’enseigner.


Avant : Faire des dictées, c’est la honte.
Maintenant : Une dictée par jour, c’est un minimum.


Avant : Faire des séances de grammaire, c’est la honte. La grammaire doit être partout, dans tous les enseignements, tel un chat se baladant dans toutes les pièces de la maison.
Maintenant : Une séance de grammaire par jour, c’est un minimum. Et puis dégage de mes pattes, toi, connard de chat.

Avant : Les écoles étaient ouvertes.
Ensuite, il y a eu le COVID.
Puis, les écoles ouvrent à nouveau leurs portes.
L’inspecteur : Vous pouvez travailler sans crainte, les enfants ne transmettent pas le virus.
– On n’en est sûr ? On n’a pas beaucoup de recul quand même.
– Entrez dans votre classe je vous dis, c’est absolument sans crainte.
– Ok, mais vous ne pensez pas, votre Majesté, que je devrais porter un masque ?
– Un masque ! Balivernes que voilà. Et puis tant qu’on y est, que vous voulez-vous de plus avec votre masque. Du gel hydroalcoolique ? Des gants ? La reconnaissance de l’institution ?


Avant : Les enfants construisaient leur savoir. Il fallait les laisser observer, s’interroger, émettre des hypothèses et les accompagner dans cette belle construction des savoir-faire et de la connaissance.
Maintenant : Les enfants sont assis devant le tableau, bouche ouverte et yeux écarquillés. Droit dans ses bottes et craie dans la main, l’enseignante transmet son savoir, genre la technique de l’addition à report.
L’inspectrice : J’aime beaucoup la manière dont vous explicitez vos apprentissages. Vous êtes formidable.
– Merci. Mais n’est-ce pas vous qui m’avait reproché il y 8 ans de conduire un enseignement trop transmissif ?
– Non, je ne crois pas.
– Je pense que si. Je me souviens très bien de vous. Vous êtiez déjà mon inspectrice à l’époque et vous m’aviez défoncé dans votre rapport. 
– Oh c’est pas vrai ! Oh c’est pas possible ! Vous n’allez pas me croire, mais c’est encore un coup d’Ursula, ma jumelle maléfique.

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