Ferme ta gueule Ghislaine

En écoutant Ghislaine Ottenheimer parler de l’école, je me suis souvenu du texte de François Morel sur France Inter : Ferme ta gueule.

Ghislaine Ottenheimer, d’ordinaire je veille scrupuleusement à ne jamais écouter les éditorialistes de BFM, LCI ou Canal Plus dont tu fais partie. Confinement oblige, j’ai passé un peu plus de temps devant la télévision, et je suis accidentellement tombé sur ton intervention dans L’info du vrai sur Canal Plus.
Le 5 mai dernier, à propos du retour des élèves et du protocole sanitaire, tu y déclarais : « On me dit qu’il y a une grosse difficulté dans les petites classes, il y a beaucoup de jeux, de trucs tactiles, on distribue des photocopies, on coche etc. Il n’y a plus ça (suite aux consignes sanitaires NDLR.) Eh bah on va refaire l’école comme autrefois, c’était pas si mal. Tableau noir = on va apprendre B.A. = BA. 3×5 = 15. On va ré-apprendre. La maîtresse d’école va raconter l’Histoire de France à sa façon.  »

Ferme ta gueule Ghislaine. Excuse-moi d’être aussi direct mais je te le dis sans ambages, avec aussi peu de délicatesse que tu en portes à l’encontre de mon métier, ferme ta gueule Ghislaine.

Si tu interviens sur le thème de l’école Ghislaine, ou sur un autre sujet d’actualité, essaie d’élaborer un propos cohérent, étayé d’exemples précis et factuels. Tente de les mettre en perspective de sorte à construire un début d’analyse. Je ne te demande pas Ghislaine de plaider en faveur des enseignants, au risque de voir l’animateur de l’émission Yves Calvi faire un malaise vagal en direct mais juste de tenter trois phrases proposant un semblant de réflexion. Si tu n’y parviens pas, ferme ta gueule Ghislaine.

« Il y a beaucoup de jeux, de trucs tactiles, on distribue des photocopies, on coche etc. » Je ne travaille pas avec des trucs tactiles Ghislaine. D’ailleurs, il n’y a pas de « trucs » dans mon métier, ni même de machins ou de bidules, alors ferme ta gueule Ghislaine. Face à la vacuité de ton propos et au ton méprisant que tu emploies, me voilà transporté au café des sports en bas de ma rue. Lucien, le voisin du cinquième, enchaîne les vannes sur les fonctionnaires et les ballons de rouge. « Eh bah on va refaire l’école comme autrefois, avec un tableau noir. Yves, remets-moi en un, j’ai la dalle en pente. Les profs, c’est tous des feignasses ! Allez à la santé des fonctionnaires ! » Tes propos sentent le vieux zinc et la vinasse, alors ferme ta gueule Ghislaine.

Me targuant d’avoir un esprit ouvert et toujours prompt à de nouvelles rencontres, je t’invite dans ma classe Ghislaine. Tu pourras l’observer et en comprendre le fonctionnement. Ensuite, tu prendras ma place. J’irai m’asseoir au bureau : ce sera à mon tour de fermer ma gueule. Apparemment experte en pédagogie, tu pourras mettre en place ta méthode : « Ghislaine Ottenheimer enseigne à sa façon.  » Pour être tout à fait honnête, considérant ta vision du métier basée sur le vieux cliché « le prof parle et les élèves écoutent », je te conseille quand même de rester chez toi et de fermer ta gueule Ghislaine.

Mais avant de fermer ta gueule, demande à Yves Calvi de bien la fermer aussi. Le « Vous voulez dire qu’ils vont travailler normalement » lancé par l’animateur pendant ton intervention est pitoyable. Est-ce à dire que je ne travaille pas normalement le reste du temps ? Avances-tu l’idée que je passe mes journées à enfiler des perles et à toucher des trucs tactiles et que mes élèves n’apprennent rien ? Ferme ta gueule Yves.

« Eh bah on va refaire l’école comme autrefois.  » Non Ghislaine, on ne va pas refaire l’école. N’utilise pas la forme inclusive Ghislaine. Je vais aller à l’école. Toi non. Tu n’es pas enseignante. Tu ne connais pas mon métier. Tu n’es pas légitime pour t’exprimer. Tes propos n’apportent rien et ne sont que du bruit médiatique. Je vais aller à l’école et toi tu vas méditer cette phrase : si ce que tu as à dire n’est pas plus beau que le silence, alors ferme ta gueule Ghislaine.
Stéphane Grulet