Avec sa dictée de mots, Christiane Pelletier réussit son come-back chez les stars de la pédagogie
Tombée en désuétude, la dictée revient en force. L’une de ses adeptes, Christiane Pelletier, 51 ans, est à nouveau sur le devant le scène. Rencontre.
« Je suis la première surprise. Je ne m’y attendais pas…«
C’est une enseignante rayonnante qui nous accueille dans sa jolie classe de l’école de Nonette (60). A peine sommes-nous entrés dans la pièce, Christiane Pelletier, se montre diserte :
« Je fais des dictées depuis des années, parfois des dictées de mots, ou de phrases. Je fais très régulièrement des dictées de syllabes, même avec des CM1. Ce n’est pas inutile.«
Si la maîtresse illustre ce propos en nous présentant avec gourmandise les cahiers de ses élèves, on devine chez elle une certaine émotion, teintée de joie et d’amertume.
« Depuis que le ministre a dit qu’il fallait faire des dictées, je suis redevenue à la mode. Les collègues me regardent autrement. Le téléphone sonne à nouveau. Hier soir, le président de la MGEN m’a appelée personnellement pour m’inviter à l’Assemblée Générale. Je redeviens quelqu’un qui compte. »
Mais pour Christiane Pelletier, cette longue traversée du désert fut très difficile. Et l’enseignante de nous raconter le mépris de ses collègues quand elle expliquait faire des dictées :
« Je me souviens qu’un jour, je suis allée emprunter au C.D.D.P. (ancienne appellation de Canopé NDLR) un livre de dictées à préparer. La responsable de la médiathèque, qui était contre cette manière d’étudier l’orthographe, m’a craché au visage. C’était horrible. A l’époque, celui ou celle qui faisait des dictées était un paria.«
Très émue par ces souvenirs douloureux, Christiane Pelletier fond en larme. Nous n’insistons pas. Quand nous venons la retrouver quelques minutes après, elle tient à terminer son histoire, comme pour en finir avec ce passé si douloureux : « Il y a quelques année, il fallait faire de l’Observation Réfléchie de la Langue (O.R.L.) Il fallait tout faire observer aux élèves, tout leur faire déduire. C’était horrible. Tout devait venir des enfants. Impossible d’apporter une règle d’orthographe, de grammaire, sans qu’elle ne s’appuie sur une remarque d’un élève. Je me souviens d’une jeune collègue, la petite Laetitia, mignonne comme tout, 25 ans, qui un matin a fait une leçon sur la différence entre ET et EST, alors que les enfants n’avaient rien demandé. Quelqu’un l’a dénoncée à la conseillère pédagogique. On ne l’a jamais revue ».
Aujourd’hui, Christiane est redevenue une enseignante à la mode. Mais pour combien de temps encore ? Notre maîtresse a déjà la réponse : « Je sais bien que dans quelques années les dictées redeviendront ringardes. Mais cela ne m’inquiète pas. Je continuerai à faire ce qui me semble efficace. Pour moi c’est le plus important. Et puis avec l’expérience, on arrive à savoir ce qui est bon pour les élèves ou pas. C’est d’ailleurs pour ça que je ne fais plus La main à la pâte depuis bien longtemps. » ⚫