Bonneval-Guyon : la photocopieuse de l’école refonctionne enfin
Une bonne nouvelle pour l’équipe pédagogique.
Tout a commencé mardi dernier lorsque Corinne Lasalle, la maitresse de CM1, photocopie son texte de lecture. D’emblée, elle remarque que le bruit du rouleau à l’intérieur de la machine n’est pas le même que d’habitude. Confiante, elle espère que ses feuilles sortent dans le bac de réception situé à sa gauche. Il n’en est rien. Ne voulant pas céder à la panique, et coutumière des situations de crise puisqu’ancienne sapeur pompier volontaire, la jeune femme respire calmement et décide d’ouvrir le bac de papiers A4 pour le refermer aussitôt. Un geste pratiqué par nombre d’enseignants le matin : une étude récente a d’ailleurs prouvé que cet acte n’a aucun effet sur le problème mécanique, mais permet de se donner une constance et de garder sa dignité.
Au moment de lever la platine mobile, puis soulever et reposer l’original sur la vitre, Corinne Lasalle sent la présence derrière elle de Michel Laumonier, son collègue de CE2. Le quinquagénaire se met à tousser légèrement. Corinne sait que son collègue n’est atteint d’aucune laryngite ou autre maladie pré-hivernale. Elle sait que cette toux signifie : « J’attends depuis 10 minutes. Je suis venu tôt à l’école ce matin pour faire mes photocopies et je souhaite m’acquitter de cette tâche. Bon d’accord je viens tôt tous les mardis parce que ma femme me dépose en allant au collège, ce qui m’évite de prendre la Kangoo. Ben oui si on veut la revendre à un bon prix, faut pas trop la pousser. Mais quand même ».
Au moment où leurs regards se croisent, le voyant rouge de la photocopieuse se met à clignoter, tel une deuxième provocation du destin. La machine est bel et bien en panne : « J’avais tout de suite compris que le rouleau d’entraînement ne jouait pas son rôle, se souvient Corinne Lasalle. Les feuilles A4 restaient dans le chargeur à papier. Rien ne sortait. J’étais pétrifiée. » A moins de 15 minutes avant l’arrivée des élèves, les deux professeurs commencent à perdre leur sang froid.
Arrivé sur les lieux du drame, Jean-Marc Petit, le directeur de l’école, prend les choses en main. Il nous rapporte mot pour mot ce qu’il a déclaré à ses collègues :
« Je suis monté sur le petit bureau où traînent les prospectus. J’ai pris un cône de sport que j’ai porté à ma bouche, de sorte que ma voix soit amplifiée, puis j’ai demandé à tous de garder le calme ». C’est à ce moment que le directeur du pôle scolaire a très clairement senti un vent de panique : « J’ai proposé à mon équipe de mettre en place le plan de crise, tel que nous l’avions anticipé. Je savais que cela ne ferait pas plaisir à tout le monde, car ce plan est forcément arbitraire ».
En effet, le plan P.P.P. (Putain de Photocopieuse en Panne) prévoit que ce soit d’abord les classes de CP et de CM2 qui bénéficient d’un ravitaillement en photocopies apportées par la mairie, après un envoi par internet des documents à reproduire. Ce sont ensuite les autres niveaux qui peuvent prétendre à ce service, en terminant par les classes de maternelle qui de toute façon collent des gommettes toute la journée.
« C’est injuste ! Nous ne laisserons pas faire ! » a hurlé Virginie Perret, l’enseignante de CE1 au bord de la crise de nerf, et qui ne possède pas de manuels de lecture dans sa classe. La jeune femme avait d’ailleurs déclaré lors d’une récréation : « Je n’arrive pas à rentrer dans un manuel. Je fais tout moi-même tu vois. Faut savoir ce qu’on veut tu vois. » Malheureusement, elle n’est pas la seule à refuser de se plier aux injonctions du P.P.P., pourtant validé en conseil des maîtres. « Oui, mais c’est parce qu’on n’écoutait pas », se défend Emilie, l’enseignante de Petite Section. « C’est une honte ! Tous les mois la photocopieuse est en panne ! hurlent alors de concert Romain Fabre et Linda Guérin, les deux quarts-de-décharge, dont tout le monde se fout complètement de leur avis, puisqu’ils sont justement quarts-de-décharge. Ce sont toujours les mêmes qui doivent aider les autres. Pourquoi pas nous demander de faire des échanges de services ou de se prêter du matériel tant qu’on y est ?! ». Dans le hall du pôle scolaire de Bonneval-Guyon, la tension est à son comble.
« Je sais, s’emporte alors Nadia Bailly, l’assistante de direction, hier j’ai vu Christiane la remplaçante qui photocopiait un manuel de CP alors qu’elle remplaçait en CE2. Si ça tombe, c’est elle ! » Une analyse vite partagée par l’ensemble du personnel présent : tout le monde s’accorde à penser que Christelle est « remplaçante pour les frais de déplacement tu penses, depuis son divorce ». Mais d’autres hypothèses se font entendre :
« La présidente des parents d’élèves n’arrête pas de photocopier. Et tu sais quoi ? Elle n’aère par le papier avant de le mettre dans le bac. Si j’te l’jure. Je l’ai vu. Comme je te vois » subodore Delphine, l’ATSEM.
» C’est un coup de la nana du RASED. A chaque fois, elle bloque la machine. Heureusement qu’on ne la voit jamais » avance Simon, le remplaçant.
Le directeur de l’école, ne pouvant pas contenir la colère de son équipe, a alors cette idée géniale : « Ecoutez mes amis ! Ne perdons pas espoir ! Soyons solidaires ! Attendons que le réparateur vienne. Il y a probablement une feuille coincée dans le tambour électrostatique, comme la dernière fois. En analysant le bout de papier avec une loupe qui se trouve dans ma vielle malle La main à la pâte, on arrivera à savoir qui a bourré la machine ». Devant l’enthousiasme général, Jean-Marc est allé dans son bureau téléphoner à BureauCopy, sous les applaudissements et les cris de joie de ses collègues.
C’est en fin de matinée que le technicien est venu réparer la photocopieuse. Une feuille était effectivement coincée en dessous du tambour électrostatique. Les premières analyses ont montré qu’il s’agissait d’un morceau du corps de Dora l’exploratrice. « C’est une bonne nouvelle, conclue le directeur du pôle scolaire. Cela nous a permis d’identifier que le coupable était Amélie, la directrice du périscolaire. Sous prétexte de n’avoir aucun budget, elle passe son temps à photocopier des coloriages pour les enfants ».
Apprenant la nouvelle, les collègues de l’école furent unanimes, montrant une vraie cohérence et un vrai d’esprit d’équipe. Ils ont décidé de ne plus lui adresser la parole pendant une semaine, et de ne pas l’inviter au pot pour fêter les vacances, ce qu’ils n’avaient pas l’intention de faire de toute façon. Tout est bien qui finit bien donc.
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